» Janvier, veux-tu bien aller chercher du pain ?’’ Papa, tu embêtes là. Vas le faire toi-même », répond Janvier à son papa. Les supplications du papa n’ont pu rien y faire. Il ira chercher lui-même son pain. Le Béninois qui a rapporté la scène n’en croyait pas à ses yeux. Un enfant béninois, même celui d’aujourd’hui sous influence des réseaux sociaux et séries télévisées n’aurait osé manquer ainsi de respect à son père.
Ils sont comme ça, diront certains. C’est au nom de cette éducation qu’un quidam a eu le toupet de porter la main sur son Président de la République. Il s’en était bien sorti. Même s’il a été déchu de tous ses droits, il avait commis l’irréparable. Et comme toute justification, son Président en question n’aurait pas tenu ses promesses électorales. Celui qui a giflé n’a pas lu, hélas, Hannah Arendt (1906-1975). Il aurait su que la vérité ne figure pas au nombre des vertus politiques. Il aurait été béninois que sa tête aurait été promenée au bout d’un piquet pour empêcher quelqu’un d’autre de le copier. Dans un village, on l’aurait rendu fou et banni de la société s’il portait la main sur le roi, même le dâah ou le chef de famille. Gifler quelqu’un, c’est lui ôter toute dignité. Dans les années 1982, un collègue avec, qui j’ai partagé la même garnison au nord du Bénin avait administré une baffe à un jeune homme, la quinzaine à peine pour inconduite. Ce dernier a eu la courtoisie de lui demander de ne pas le refaire. Il l’a refait pour lui montrer sa force. Quelques semaines après, la main qui a giflé a commencé par mincir au point où il a été évacué sur Cotonou. Il était dans le couloir de la mort si les autorités du département n’avaient pas rattrapé le garçon. Il a fallu juste un bout de savon noir afin de masser le bras pour qu’il retrouve son usage. C’est à travers ces corpus que nos sociétés traditionnelles ne se sont pas transformées en jungle. Corpus déconstruits avec l’arrivée du Blanc avec sa civilisation. Malheureusement, on n’a pas changé même après son départ. Tous les actes que nous posons aujourd’hui ont leurs références ailleurs. Sur le plan économique, politique, écologique, social, nous sommes habitués à faire du copier-coller au détriment de nos réalités. Un exemple s’il vous plaît ! La prestation de serment du Président de la République. Elle aurait été d’une autre tonalité si entre les deux, c’est quelque chose comme la récade qui est échangée et la marmite sacrée pour recevoir l’engagement au lieu de la grande croix, qui n’est même pas une conception béninoise. Ceux qui ont lu la pièce » la marmite de Koka-Mballa » savent le respect dû à ce cérémonial. Et dans » Terre des hommes », Saint Exupery écrivait déjà à son époque « Chaque progrès nous chasse un peu plus loin de nos habitudes, à peine acquise ». La France, il y a quelques jours en a fait l’amère expérience lorsque tout son système de secours a défailli pendant 24h avec des pertes en vies humaines. Et pourtant, personne n’a pensé au système de remplacement, obnubilé par le tout technologique. La macroéconomie, les chiffres, le taux de croissance, s’ils ne sont pas accompagnés par autre chose ne remplissent pas le ventre. Dormir sur la natte d’autrui ne fait pas du tout de vous le propriétaire. C’est ce que je crois.
Didier Hubert MADAFIME