Partout aussi bien dans les grandes villes que dans les agglomérations même les plus reculées du Bénin, une scène retient toujours l’attention du premier visiteur. C’est la vente des produits pétroliers en vrac. L’essence de rue a toujours fait concurrence avec le produit vendu à la pompe. Mais depuis quelques semaines, la marchandise est désormais livrée aux clients presque au même prix à la station-service et aux abords des rues.
L’essence de rue est sans aucun doute le produit le plus vendu au Bénin. Le consommateur n’a pas besoin de parcourir une longue distance avant de trouver un vendeur dans un coin de la rue. Sur un étalage de fortune sont souvent alignées des bouteilles de 01 litre, de 02 litres, de 05 litres voire de 10 à 20 litres. On y trouve non seulement l’essence super, mais aussi l’huile à moteur, le gasoil et même parfois le pétrole lampant. Ces produits proviennent essentiellement du Nigeria, le grand voisin de l’Est par des voies illégales pour atterrir sur le territoire béninois. Toutes les tentatives pour supprimer cette activité depuis des décennies par les différents régimes politiques ont été vaines. Parfois, par manque de précautions sérieuses, l’essence de rue provoque des incendies avec des pertes en vies humaines et de nombreux dégâts. Malgré cela, les acteurs n’ont jamais voulu se retirer de cette activité illégale. Aussi, l’essence de rue livre sérieusement une concurrence farouche avec le carburant vendu dans les stations-services. Le prix bas souvent pratiqué par le secteur informel des hydrocarbures avait fait déserter les consommateurs du secteur formel. Certains promoteurs de stations-services étaient obligés de mettre la clé sous le paillasson pour cause de la mévente. Au moment où l’essence super était à 600 FCFA à la pompe, le client pouvait trouver le même produit à 300 F voire 250 FCFA, selon le lieu aux abords des voies. Ainsi, presque tous les consommateurs préféraient s’approvisionnaient dans le secteur informel parce qu’aussi les Béninois pour la plupart vivent avec très peu de moyens. Mais depuis la fermeture de la frontière du Nigeria avec le Bénin le 20 août 2019 et surtout avec l’avènement du Covid-19 où le trafic en direction du Nigeria n’est plus aisé, les prix des produits pétroliers dans le secteur informel ont brutalement changé. Les prix dans les deux secteurs sont presque identiques. L’essence de rue est actuellement à 500 FCFA. L’Etat béninois a aussi fixé le prix 501 FCFA dans les stations-services. Le gasoil est à 520 F à la pompe tandis qu’aux abords des rues il est vendu à 500 FCFA. Une concurrence qui ne dit pas son nom. Ainsi, les clients reviennent désormais dans les stations-services pour s’en approvisionner. « Je ne veux plus que les prix changent de part et d’autre car nous vendons maintenant », a lancé Georges Nicoué, un gérant de station-service à Cotonou. « Les stations-services ne m’empêchent pas de vendre mes produits. Quel que soit le prix pratiqué dans le secteur formel, j’ai toujours mes clients qui viennent acheter chez moi et je gagne », s’est exclamée dame Clarisse Dokui, vendeuse de produits pétroliers de rue à Godomey. A cette allure, il est certain que les acteurs des deux secteurs ne vont plus se regarder en chiens de faïence.
Christian Akakpo