Le 20 août 2019, tout le peuple béninois s’était réveillé en apprenant avec la décision du Nigeria de fermer sa frontière avec le Bénin. Immédiatement, cette mesure est mise en application. Depuis un (01) an déjà que cette frontière est fermée, les Béninois subissent de lourdes conséquences économiques et commerciales.
Le Bénin partage 700 km de frontière avec son voisin du Nigeria. Les populations des deux pays vivent toujours en parfaite harmonie. Le Nigéria est le premier partenaire commercial du Bénin. La quasi-totalité des produits consommés au Bénin proviennent du Nigeria. Le cœur des Béninois bat au quotidien au rythme du Nigeria à quel point que l’on déclare publiquement dans les milieux politiques et diplomatiques que le Bénin est un autre département du Nigeria. Les populations du voisin de l’Est du Bénin sont aussi à la recherche des produits alimentaires du Bénin et ceux importés d’ailleurs et qui transitent sur le territoire béninois. Le lien historique de bon voisinage est renforcé par le principe de la libre circulation des personnes, des biens, services et capitaux dicté par la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) dont les deux pays sont membres. Mais depuis le 20 Août 2019, les relations économiques et commerciales entre les deux voisins se sont sérieusement dégradées avec la fermeture de la frontière par le Nigeria. Du coup, les activités des commerçants et des opérateurs économiques béninois se sont paralysées. Il est impossible pour eux de traverser la frontière pour livrer des marchandises ou pour importer des produits du Nigeria. Les commerçants et les transporteurs des pays comme le Togo, le Ghana, la Côte d’Ivoire, le Mali, le Burkina et Niger qui utilisent les frontières du Bénin pour rentrer dans le Nigeria sont également bloqués. Des centaines de camions venus de tous ces pays se sont agglutinés au niveau de la frontière de Kraké durant des mois en espérant la réouverture de la frontière, mais en vain. En fait, le Nigeria reproche au Bénin d’introduire illégalement le riz asiatique, la viande surgelée, l’huile végétale et d’autres produits étrangers de l’occident sur son territoire. Les autorités nigérianes ont indiqué que cette activité de contrebande en direction de leur pays engengrent de graves conséquences sur la production locale dont elles essayent de développer.
Les négociations diplomatiques dans l’impasse
Le président nigérian, Muhamadu Buhari, refuse que son pays soit toujours un dépotoir des produits importés de l’Asie et de l’Europe. Il accuse surtout les autorités béninoises de laisser circuler les produits dont la qualité est douteuse sur leur territoire et dont la destination finale est le Nigeria parce qu’il mène désormais une politique de développement et de dynamisation de son secteur agricole. Mais au regard des conséquences néfastes de la fermeture de la frontière du Nigeria, le chef de l’Etat béninois, Patrice Talon, avait effectué une visite officielle et de travail auprès de son homologue nigérian dans le but d’aplanir les divergences ayant entrainé la fermeture de la frontière. Au mois d’août 2019, les deux dirigeants ont longuement échangé sur la situation en marge de la 7ème édition du sommet du TICAD à Yokohama au Japon. Malheureusement, aucun accord n’a pu être obtenu pour faciliter la réouverture de la frontière. Les multiples missions de la Cedeao au Bénin et au Nigeria n’ont pas réussi à plier la première puissance économique de l’Afrique à revenir sur sa décision. Plus personne n’explique réellement les points d’achoppement des négociations. Mais la population du Bénin et surtout celle de Kraké ne cessent de subir les affres dues à la fermeture de la frontière.
Kraké, une localité durement touchée par la fermeture de la frontière
La localité de Kraké située à une trentaine de kilomètres à l’Est de Cotonou et qui fait frontière avec le Nigeria a complètement perdu son ambiance habituelle à cause de la fermeture de la frontière. Au départ, beaucoup de personnes pensaient que la décision de la fermeture du Nigeria n’allait durer que quelques jours. Les conducteurs, les transporteurs et les commerçants se sont entassés dans tous les coins de rue de Kraké en espérant la réouverture. Aujourd’hui, la localité est vidée de sa plus grande partie de sa population. La voie principale qui était souvent bondée de monde jusqu’à occasionner des embouteillages fréquents n’accueille plus de l’affluence. Le piéton traverse désormais cette voie sans gêne. Beaucoup de commerçants ont déjà fermé leurs boutiques. C’est le cas de Christophe Avisso, propriétaire d’une boutique de vente vêtements : « Mes clients sont pour la plupart des nigérians. Ils ne viennent plus acheter, je n’arrive plus à supporter les charges et j’ai fermé ma boutique ». « Rien ne marche plus ici, les affaires sont tombées. Ce sont nos frères nigérians qui viennent acheter chez nous et on gagne un peu un peu. Aujourd’hui, il n’y a plus personne et c’est dur pour nous », a expliqué avec dépit dame Moyo Fayissath, vendeuse de produits alimentaires, d’origine nigériane installée à Kraké. La gare routière est déserte. Plus de véhicules de transport en direction du Nigeria. Les chauffeurs ont totalement perdu l’espoir de renouer avec leur activité. De même, le marché de Kraké s’anime très mal. Il est clairsemé et ne connait plus du tout d’affluence. Les produits que l’on retrouve beaucoup plus dans ce marché sont essentiellement alimentaires. La pandémie du Covid-19 a davantage aggravé la situation dans la localité. La méfiance a gagné tous les habitants. Peu de cambistes mènent encore leurs activités. Ceux qui viennent encore ne font plus de recettes. La douane béninoise fonctionne toujours, mais les agents tournent les pouces sans être occupés comme auparavant. Seuls les contrebandiers de carburants et de pièces détachées de moto et de voiture parviennent à s’en sortir malgré les risques qu’ils encourent. Lorsqu’ils sont surpris par les agents de la police ou de la douane du Nigeria, ils sont fouettés et dépossédés de leurs biens. Les Etats béninois nigérian ont sérieusement perdu les recettes douanières dans cette fermeture de la frontière et la solution ne viendra que des deux dirigeants qui doivent encore chercher des moyens de solutions pour soulager leurs économies et les populations des deux nations.
Jean-Discipline Adjomassokou