L’Union économique et monétaire Ouest africaine (Uemoa) est une organisation sous-régionale qui œuvre depuis des décennies pour le respect de la libre circulation des personnes, des biens, des capitaux et du droit de résidence aux citoyens de son espace. C’est à travers des actions et la mise en place des infrastructures de transport. Le Représentant Résident de la Commission de l’Uemoa près le Bénin, Son Excellence Monsieur Komlan Agbo nous parle dans cette interview de la mission, des initiatives de l’Uemoa, des comportements des citoyens face aux infrastructures et les impacts des transports dans le développement du commerce dans cette zone.
Quelle place occupe le secteur des transports dans la politique de développement de l’Uemoa ?
La Commission de l’Uemoa prône la libre circulation des personnes, des biens, des services, des capitaux, le droit de liberté et de résidence dans les Etats membres. Donc, pour bien circuler, il faut des infrastructures et des transports. Ce principe est très fondamental à la Commission et pour le mettre en exécution, des projets et programmes ont été élaborés dans le secteur des transports aérien, maritime, routier et sont en cours de mise en œuvre dans les Etats membres dont le Bénin.
Pensez-vous que les populations font-elles bon usage des infrastructures mises en place par les Etats de l’Uemoa ?
On ne pourrait pas dire que les populations font bon usage à 100% de ces infrastructures. Lorsque vous circulez par exemple sur le territoire national, vous remarquerez des actes d’incivisme, des dégradations de la voie par endroit et cela est dû essentiellement aux camions poids lourds et aussi certains comportements des populations qui agressent les infrastructures routières. Pour juguler tout cela, la commission a essayé, bien sûr en concertation avec les Etats, de prendre certaines dispositions. Il s’agit des actes communautaires qui ont été pris et adoptés par l’ensemble des Etats pour essayer de conserver les infrastructures routières qui sont réalisées. C’est par exemple le Règlement 14 qui fait obligation aux conducteurs de respecter certaines normes, certains gabarits de leurs véhicules pour éviter de dégrader les infrastructures routières.
Dans l’espace l’Uemoa, l’on continue de remarquer l’érection anarchique des postes de péage et de contrôle freinant la libre circulation des personnes et des biens. Quelles sont les mesures prises par la commission pour combattre cette pratique ?
Sur ce plan, je voudrais d’abord féliciter le gouvernement de la république du Bénin parce qu’il est cité aujourd’hui comme un pays exemplaire en matière du respect de certaines normes de contrôle sur les voies. J’ai plusieurs fois visité l’intérieur du pays, le Bénin respecte vraiment ce qui est demandé. Lorsqu’un camion quitte Cotonou pour Malanville, il n’existe pas de postes de péage ou de contrôle anarchique. Par contre, dans d’autres pays où le phénomène est observé, nous avons mis en place l’observatoire des pratiques anormales. C’est un organe pour vérifier, contrôler tout ce qui est imposé soit aux transporteurs soit aux passagers sur les différents endroits de nos routes. Cet organisme relève ces différentes pratiques qui font l’objet de rapports qu’on envoie régulièrement à la Commission de l’Uemoa. Celle-ci s’adresse à l’Etat qui l’avertit, pour l’informer de l’existence d’une pratique anormale sur son territoire et qu’il faut résoudre le problème.
Pensez-vous que les Etats de l’Uemoa sont aujourd’hui dotés suffisamment des infrastructures routières pour faciliter la circulation des populations ?
Je dirai que les infrastructures ne suffisent jamais. Nous faisons des efforts. Il y a des projets et des programmes qui sont mis en œuvre et les mêmes projets et programmes sont en cours d’exécution au Bénin. Les frontières de Malanville entre le Bénin et le Niger et de Kraké entre le Bénin et le Nigeria sont déjà dotées chacune des postes juxtaposés de contrôle, le poste de contrôle de Hilla Condji entre le Bénin et le Togo est en cours de réalisation. Ce sont autant d’infrastructures qui facilitent la circulation des populations et sans perdre le temps au sein de l’espace de l’Uemoa.
Quel est le type de transport que priorise la commission de l’Uemoa ?
Chaque Etat a sa propre politique nationale en matière de transport, ce que l’Uemoa fait, c’est de voir ce que tous les Etats peuvent faire qui dépasse la seule portée d’un Etat. Quel que soit le domaine de transport, l’Uemoa essaye de règlementer par des actes et qui sont appliqués dans tous les Etats concernés. Il y a par exemple le Règlement pris en 2019 qui détermine le taux, les modalités de perception et de répartition des redevances des différents armateurs communautaires et étrangers dans notre espace communautaire.
En matière de transport aérien, presque tous les pays de l’Uemoa possèdent d’une compagnie. N’est-il pas possible que l’Uemoa lance une compagnie communautaire pour desservir tous les pays membres ?
C’est vrai que l’union fait la force. Mais l’Uemoa n’a pas encore adopté un programme ou un projet qui vise la création d’une compagnie communautaire, cela ne veut pas dire que le débat n’est pas mené lorsque les ministres des transports se rencontrent, ils ébauchent la question. Mais pour le moment aucune décision n’est encore prise. Cette option est vivement encouragée. Nous avons certaines compagnies qui font la fierté de l’espace communautaire quand bien même ce n’est pas sous l’égide de l’Uemoa.
Est-il possible pour les pays côtiers de l’Uemoa de développer le transport maritime de passagers ?
Rien ne l’empêche en dehors des problèmes d’insécurité et de piraterie maritime que nous connaissons. Mais on n’a pas encore pris une décision concernant la création d’une compagnie qui desservirait les différentes capitales des pays côtiers qui permettra aux citoyens de quitter Cotonou par exemple pour aller à Bissau. Mais l’avantage que nous avons est que nous pouvons circuler dans notre espace par la voie terrestre c’est-à-dire qu’on peut quitter Lagos pour aller à Dakar ou à Conakry sans difficultés. Peut-être qu’avec le temps, la voie maritime sera aussi ouverte.
Quels sont les impacts des transports dans le développement du commerce dans l’espace de l’Uemoa ?
A l’analyse, les commerçants ont plus de facilité à se déplacer et à mener leurs activités parce que nous disposons désormais des routes en bon état qui contribuent considérablement au développement du commerce dans la zone Uemoa. Les gens font des va-et-vient entre les pays par la route. Vous voyez des commerçants quitter tous les matins Cotonou pour aller en quelques heures à Lomé et vis versa ou ils quittent le Nigeria pour le Ghana en observant bien sûr les règles communautaires en vigueur. Cela favorise les flux commerciaux entre les Etats membres de l’Uemoa.
Votre dernier mot
Nous nous sommes embarqués pour un développement communautaire de l’espace. Des efforts sont en cours et beaucoup d’actions sont menées, d’autres sont encore à réaliser. Je ne peux qu’encourager nos populations à adhérer aux projets conduits dans les différents Etats membres de l’Uemoa.
Propos recueillis par Jean-Discipline Adjomassokou