Le climat politique, économique et sécuritaire qui prévaut depuis quelque temps dans les pays du Sahel comme le Mali, le Burkina Faso et le Niger n’est plus reluisante. Ils sont confrontés durement au terrorisme, à l’affaiblissement de l’économie et à la montée de la révolte contre la CEDEAO et la France.
Le Mali, le Burkina Faso et le Niger sont aujourd’hui en proie à l’insécurité et à l’instabilité. Les coups d’Etat survenus dans ces trois (03) pays du Sahel résultent de cette insécurité, de la mal gouvernance et de la violation flagrante des droits de l’homme. Les populations de plus en plus descendaient dans les rues pour exprimer leurs mécontentements. Souvent, les manifestants étaient réprimés par les forces de l’ordre au nom de la légalité. Si ces pays du Sahel ne parvenaient pas à venir à bout des terroristes, c’est parce que leurs armées étaient sous-équipées et surtout ils avaient confié les opérations de lutte contre le terrorisme à l’armée française qui n’a fait que volontairement tâtonner et favoriser l’expansion des multinationales françaises dans ces pays. Les terroristes ont eu le temps et la liberté de prendre siège, d’imposer leurs lois et de faire des ravages et des destructions énormes dans ces trois (03) du Sahel. Pendant ce temps, la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) est restée muette, indifférente et insensible aux souffrances de ces pays. Aucune armée patriote et responsable au monde ne peut accepter vivre ce calvaire et sans réagir. C’est en fait le résultat des coups d’Etat au Mali, au Burkina Faso et au Niger. Certes, les coups d’Etat sont bannis depuis l’instauration de la démocratie et le système électif dans les pays africains dans les années 90 jusqu’à nos jours. Mais lorsqu’un pays se retrouve au bord de l’asphyxie et ne bénéficie d’aucun soutien de la principale organisation sous régionale qu’est la CEDEAO, il doit alors chercher une solution à l’interne. La mission de la CEDEAO est dans la prévoyance, l’anticipation, l’assistance et l’accompagnement. Malheureusement, elle a brillé par son absence et son indifférence face à la situation sécuritaire désastreuse du Mali, du Burkina Faso et du Niger. Les présidents déchus n’ont pas osé prendre à cœur les préoccupations majeures de leurs pays et se livraient à décerner des lauriers à la France et à son armée qui étaient devenues les causes des malheurs dans ces pays. ‘’Il n’y a pas d’effet sans cause’’, a écrit Voltaire dans son célèbre ouvrage ‘’Candide’’. Si les populations sortent d’elles-mêmes pour ovationner les auteurs des coups d’Etat, c’est parce que la gouvernance des présidents renversés a connu un cuisant échec et ne sont plus portés par leurs peuples. Il est incompréhensible qu’un président élu avec une majorité absolue soit en très peu de temps désavoué totalement par sa population et surtout par ses nombreux électeurs. Il arrive que nos dirigeants une fois au pouvoir ne se préoccupent pas des desiderata de leurs concitoyens et préfèrent être au service de l’occident et surtout de la France. Cela dénote simplement du manque de vision et d’orientations précises de ceux qui gouvernent les Etats du continent africain. Les magouilles politiques et la corruption viennent aussi vicier le système politique et la gouvernance de nos pays.
Quelle intervention militaire de la CEDEAO au Niger ?
Depuis le premier coup d’Etat intervenu au Mali, après en Guinée, au Burkina Faso et tout récemment au Niger, la CEDEAO fonctionne sans répit. Les réunions et les sommets des chefs d’Etat et de gouvernement à n’en plus finir, les sanctions de plus en plus nombreuses et corsées, les ballets diplomatiques incessants et sans effets concrets, sont autant de mesures prises par l’organisation ouest africaine pour endiguer les crises politiques dans ces pays. Malheureusement aucun résultat satisfaisant n’est obtenu jusqu’à ce jour en raison du manque de diagnostic effectué par la CEDEAO. Les coups d’Etat ne surviennent pas spontanément. Ils résultent des crises face auxquelles la CEDEAO se refuse d’agir par anticipation et choisit de faire le médecin après la mort. Le cas du Niger est plus surprenant. La posture guerrière doublée d’arrogance de la CEDEAO soutenue par la France a davantage envenimé la crise dans ce pays cher à tous les Africains. Au lieu de privilégier la voie du dialogue, la CEDEAO a choisi de faire la guerre pour rétablir le président déchu Mohammed Bazoum au pouvoir au Niger. Quelle incongruité! A l’heure actuelle, les choses ne seront plus comme avant sur le continent africain. C’est pour dire que par quel acte juridique ou mandat les forces militaires de la CEDEAO pourront-elles intervenir au Niger ? Seule l’Organisation des Nations Unies (ONU) est qualifiée pour délivrer une autorisation à la CEDEAO. Aucune résolution ne sera votée par le conseil de sécurité de l’ONU pour aller faire la guerre au Niger puisque la Russie, la Chine et les Etats-Unis ne souhaitent pas l’affrontement armé dans ce pays du Sahel. La France se retrouvera en minorité avec l’Angleterre. Dans ce contexte, toute intervention militaire au Niger sera illégale et considérée comme une agression étrangère qui pourrait permettre à tout pays du monde de voler au secours du Niger. La Russie, la Chine, l’Iran et la Corée du Nord sont aujourd’hui dans une dynamique de soutenir l’Afrique à aller vers une libération totale de la domination occidentale. La solution militaire entrainera à coup sûr une explosion de la CEDEAO déjà fragilisée par ses interventions maladroites dans les crises politiques au Mali, en Guinée, au Burkina Faso et au Niger. Elle court à son explosion car elle risque de transformer le Niger en un champ inutile d’affrontements militaires sanglants difficiles à réparer plus tard. L’Alliance des Etats du Sahel (AES) qui vient de voir le jour entre le Mali, le Burkina Faso et le Niger est désormais une intéressante opportunité pour ces derniers d’unir toutes leurs forces militaires, économiques, culturelles, politiques etc. pour décider pour eux-mêmes, créer une banque centrale et mettre en place une monnaie unique pour se séparer à jamais du franc CFA et du joug de la France. Les avocats de Mohammed Bazoum viennent de porter plainte devant la Cour de Justice de la CEDEAO contre les membres de la junte au pouvoir au Niger et réclament la libération de l’ancien président et sa remise au pouvoir. Quelle que soit l’issue du verdict, si l’institution judiciaire donne des injonctions écrites aux militaires pour rétablir l’ordre constitutionnel, cela signifiera qu’elle légalise ainsi le coup d’Etat et cette solution n’arrangera pas Mohammed Bazoum. Donc, la clé de la solution se trouve dans les mains de ce dernier qui fera mieux de démissionner de ses fonctions et permettre au Niger d’avancer et de penser à autre chose. La CEDEAO s’intéressera davantage aux questions de développement de la sous-région ouest africaine plutôt que de provoquer des affrontements dont il n’y aura ni gagnant ni perdant. Le chemin de la paix vaut mieux que la guerre.
Jean-Discipline Adjomassokou