Ses propos ont provoqué récemment une vive colère au sein du monde musical béninois lorsqu’il affirmait que « La musique béninoise est dans l’amateurisme et l’improvisation ». Jean-Discipline Adjomassokou est un véritable connaisseur de la musique. Homme des médias, de culture, formateur et chroniqueur de musiques, il a aussi fait ses preuves dans les organisations internationales. Il dénonce dans cet entretien les errements des artistes béninois.
Vous avez accordez récemment une interview au journal ‘’Bénin Intelligent’’ dans lequel vous avez déclaré, je cite ‘’La musique béninoise est dans l’amateurisme et l’improvisation’’. Qu’est-ce qui vous fait dire cela ?
Avec cette interview, j’ai écouté beaucoup plusieurs personnes intervenir sur mes propos. Malheureusement, les gens qui ne m’ont pas compris ont vertement critiqué mes propos. Si j’étais un Blanc, on allait m’applaudir. Mais j’insiste, je persiste et je signe pour dire que la musique béninoise est véritablement dans l’amateurisme et l’improvisation eu égard au développement de la musique aujourd’hui sur notre continent. Tout d’abord, je tiens à rappeler qu’en dehors d’être le quartier latin de l’Afrique, le Bénin était la plaque tournante de la musique africaine dans les années 70 et 80. Tous les grands artistes africains venaient s’inspirer du génie des artistes béninois. Je peux citer Ekambi Brillant, Eboa Lotin, Laba Sosseh, Isidore Tamwou, Sam Fan Thomas, etc. La participation exceptionnelle de l’orchestre Tout-Puissant Poly Rythmo au Festival des Arts et Cultures nègres (Festac) à Lagos en 1977 avait davantage propulsé la musique béninoise au-devant de la scène musicale internationale. Le T-Puissant Poly Rythmo était devenu une école pour de nombreux artistes africains. Sam Mangwana, Lokassa Ya Mbongo, Théo Blaise Kounkou, Tchico Tchicaya, Pierre Tchana etc. étaient venus des deux Congo et du Cameroun pour intégrer l’orchestre béninois. Il y en avait qui venaient chercher les orchestres béninois pour effectuer des tournées à travers l’Afrique. Le doyen Théophine do Régo alias El Régo accompagnait sur scène la regrettée star togolaise Bella Bellow lors des tournées africaines. Beaucoup de personnes ignorent encore que le véritable inventeur de l’Afrobeat est notre compatriote feu Ignace de Souza de Black Santiago. Le Nigérian Fela Anikulapo Kuti qui était son ami venait assister aux répétitions et aux concerts de Black Santiago à Cotonou et écoutait l’Afrobeat de Ignace de Souza à Cotonou. Fela a pris cette musique et l’a popularisée dans le monde pour devenir le roi de l’Afrobeat. Aujourd’hui, c’est cette musique qui nourrit et rend riches la plupart des artistes et musiciens nigérians et même du continent. En 1978, Nel Oliver était l’un des rares artistes musiciens africains à être invités au Marché international du disque et de l’édition musicale (MIDEM), un festival de musique animé chaque année depuis 1967 à Cannes en France. Au Bénin, les orchestres des collèges et lycées rivalisaient avec les grands groupes musicaux de la place. C’était le cas du groupe Les Sphinx du Collège d’enseignement moyen général (CEMG) Gbégamey. Les prestations de Les Sphinx sont gravées dans la mémoire de nombreux mélomanes. Sagbohan Danialou, Bentho Gustave, Zoundégnon Bernard alias Papillon, Mèlomè Clément etc. n’aimaient pas rater chacune de leurs sorties. Cet ensemble musical scolaire avait assuré la formation de Angélique Kidjo, Tohon Stan, Bonaventure Dossou-Yovo, Huguette Bokpè épouse Gnancadja, Mireille Ahoyo, les frères Alexis et Gilles Lionel Louèkè, Rosine Dagniho, Maxime Dahoun, Lucas Koffi, Joseph Ogouchi, Jacob Francisco, Laurent Hounsavi, Philippe Odjè, Elvire Zékpa alias Zécica, Isbath Madou, la liste n’est pas exhaustive.
Qu’est-ce qui avait favorisé ce développement de la musique au Bénin à l’époque ?
La politique culturelle mise en place par le régime révolutionnaire basée sur le développement des arts et de la culture avait facilité la mise en place d’un certain nombre de structures qui accompagnaient le développement de l’art musical au Bénin. Les acteurs bénéficiaient d’un certain nombre de facilités. Il y avait des maisons de production et de distribution des œuvres musicales, au moins un studio d’enregistrement (Satel) rare en Afrique à l’époque, des agences d’organisation de spectacles etc. Même les entreprises et sociétés d’Etat disposaient d’orchestres comme la Banque commerciale du Bénin (BCB), l’Industrie béninoise de textile (IBETEX), La Caisse nationale de sécurité sociale l’ex-Obss etc. Le pays bouillonnait de musique et d’artistes. Les artistes et les acteurs se formaient au fur à mesure dans les orchestres et dans les structures de production, de distribution et d’organisation des spectacles. Ainsi, les industries musicales commençaient à naitre dans le pays.
Cela suffisait-il pour dire aujourd’hui que la musique béninoise est dans l’amateurisme et l’improvisation ?
Tohon Stan avait lancé le Tchink System au début des années 80. Combien d’artistes béninois ont choisi ce style de musique ? Gnonnas Pedro a modernisé le rythme Agbadja. Combien d’artistes béninois ont adopté cette musique ? Nous en étions là lorsque Robinson Sipa a sorti Soyoyo. Il revient après pour dire que ce n’est plus Soyoyo, mais que c’est désormais Soyoyo Agbando. Cela a vite foiré. Après, c’est Bless Antonio qui apparait sur la scène avec Zékédé. Cela n’a pas duré. Zenab arrive aussi avec Bolojo. Ce rythme n’a pas connu une ascension. Nous en étions là lorsque certains artistes débarquent avec Gogohoun. Une musique qui s’est aussi essoufflée. Aujourd’hui, les artistes béninois imitent les Nigérians, les Ivoiriens, les Camerounais, les Congolais et les Américains. Ils n’ont pas le souci de l’avenir d’une musique béninoise. Comment peut-on interpréter cette attitude des artistes béninois. C’est ce que j’appelle de l’amateurisme et de l’improvisation. C’est l’individualisme qui tue la musique béninoise. Ils ne sont pas en mesure de se regrouper autour d’un seul rythme béninois et le développer jusqu’au bout. Chacun est roi d’une musique dont il n’a pas les moyens et la force de la faire prospérer pendant de longues années. Les artistes musiciens béninois tâtonnent et sont sans boussole. Ils ne savent pas ce qu’ils veulent dans le secteur de la musique et accusent tout le temps l’Etat d’être l’auteur de leur malheur. Ils ne s’entendent même pas. Je qualifie tout cela de l’amateurisme et de l’improvisation. Lorsqu’un artiste n’a pas structuré sa carrière, pour moi, il est dans l’amateurisme et l’improvisation. Lorsqu’un artiste négocie lui-même son cachet de spectacle, pour moi, c’est de l’amateurisme et l’improvisation. Lorsqu’un artiste réclame directement lui-même des interviews dans les médias, pour moi, c’est de l’amateurisme et l’improvisation. Lorsqu’un artiste se met lui-même à vendre ses disques dans les rues et les bars, pour moi, c’est de l’amateurisme et l’improvisation. Depuis sa création dans les années 30 jusqu’à ce jour, le Highlife demeure toujours la musique identitaire des Ghanéens. Au contraire, ils ont développé ce rythme jusqu’à influencer toutes les musique d’Afrique, des Antilles et des Caraïbes. La rumba congolaise est inscrite en 2021 sur la liste du patrimoine mondial immatériel de l’Unesco parce que les artistes congolais ont cru en ce rythme et ont réussi à conquérir le monde avec la rumba et cette musique n’a pas encore fini de régner en maître sur la scène musicale africaine et internationale. Le Makossa du Cameroun parvient toujours à remporter plusieurs dizaines de disques d’or et autres lauriers dans le monde. Les Sénégalais sillonnent la planète depuis tant d’années avec la musique Mbalax. Ce rythme endiablé est devenu le symbole du pays de la Téranga dans le monde. Les Ivoiriens ont créé le Zouglou il y a une trentaine d’années. Ils ont réussi à repositionner le pays sur la scène internationale avec le Zouglou. Le coupé décalé est venu au début de l’an 2000 pour réaffirmer la place de la Côte d’Ivoire dans le paysage musical international. Le Nigeria et bien d’autres pays en Afrique ont montré leur preuve dans le monde de la musique. Les pays comme le Mali et la Guinée n’ont jamais abandonné la musique mandingue. Tous ces pays cités sont remplis de stars de la musique. Par contre, au Bénin, il y a des artistes, mais le pays ne dispose pas de stars planétaires hormis Angélique Kidjo. Pourquoi une telle situation ? C’est parce que les artistes ont choisi l’amateurisme et l’improvisation. Il faut reconnaitre que dans les années 80 et 90, Tohon Stan et Nel Oliver ont failli devenir des stars planétaires bien avant Angélique Kidjo. Mais à un moment donné, ils ont tous les deux baissé les bras et c’est la chute. Et pourtant, ils sont des artistes de valeur. Malheureusement, Tohon Stan ne vit plus. Mais Nel Oliver est là et on entend plus parler de lui sur la scène internationale
Ne pensez-vous pas que l’environnement aujourd’hui ne facilite pas le travail des artistes béninois ?
Avant, il était plus difficile de faire la musique. Pourtant, les artistes béninois sortaient la tête de l’eau. Tohon Stan avec son Tchink System, Nel Oliver, Gnonnas Pedro, GG Vikey, Poly Rythmo et Black Santiago donnaient espoir à la musique béninoise. Tous les Béninois et les Africains étaient fiers d’eux. C’est vrai qu’à un moment donné le paysage musical béninois a perdu des plumes. La musique a manqué de soutien. C’est ainsi que les agences ont disparu, les producteurs sont devenus inexistants, les organisateurs de grands spectacles réguliers ne sont plus légion. Il faut reconnaitre que quelques compatriotes de bonne volonté avaient tenté de relever le défi, mais ils n’ont pas pu aller loin par manque d’accompagnement. Je veux parler de Libert Adjibi, Lucas Koffi, Ally Wassi Sissy, Karl Charles Djimadja, Prosper Gogoyi (GAP) etc. Ils se sont mis en retrait parce qu’ils n’arrivent pas à rentrer dans leurs fonds, il n’y a pas le retour sur investissement. Les artistes sont abandonnés à eux-mêmes, certes. Mais ils parviennent toujours à s’en sortir. Ce n’est pas une raison pour ne pas développer une musique béninoise. Les chansons sont désormais à foison dans le pays. Ils savent bien que mes propos sont de la pure vérité. On ne soigne pas quelqu’un qui ne sait pas qu’il est malade.
Dans l’interview que vous avez accordée au journal ‘’Bénin Intelligent’’, vous avez insisté sur le volet formation des artistes béninois. Que doivent faire les artistes ?
Lorsque je parle de la formation des acteurs de la musique, cela provoque l’irritation. Non, l’on ne doit pas être frustré ou choqué par mes propos. La formation est très indispensable dans l’exercice de tout métier. L’artiste y acquiert beaucoup de connaissances qui l’aident à se propulser loin. Lorsque vous voulez travailler avec certains artistes internationaux, ils vous écrivent toute la musique sur des portées. Si vous ne connaissez pas à lire le solfège, vous aurez du mal à respecter les gammes et toutes les techniques musicales. Ainsi, vous ne pourrez pas avancer au même titre que les autres qui ont étudié la musique. Vous pouvez perdre des contrats. La formation vous permet aussi de maitriser le fonctionnement de la musique à travers le monde. Le showbiz international dispose des règles et des principes à observer pour gagner suffisamment de l’argent. Moi, je veux voir les artistes béninois rayonner sur la scène internationale. Notre compatriote Gilles Lionel Louèkè est un guitariste de grande valeur aujourd’hui aux Etats-Unis d’Amérique. Il s’était inscrit à l’Institut national des Beaux-Arts à Abidjan pour percer le showbiz international. Angélique Kidjo a fait le conservatoire en France pour atteindre ce niveau. Les artistes africains comme Manu Dibango, Boncana Maïga, Georges Séba, Salif Keita, Mory Kanté, Oumou Sangaré, Cheick Tidiane Seck, Lokua Kanza, Charlotte Dipanda etc. ont dû faire des écoles de musique pour avoir une renommée mondiale. Lorsque je parle de formation, les gens ne pensent qu’aux artistes et musiciens. Non, je parle aussi de tous ceux qui gravitent autour de la musique comme les managers, les directeurs artistiques, les producteurs, les organisateurs de spectacles, les vidéastes, les arrangeurs, les community managers, des graphistes, les journalistes culturels, les animateurs d’émissions musicales des radios et télévisions, les présentateurs live, les chargés de presse et de communication etc. Ces derniers vont œuvrer après la formation à véritablement propulser la musique béninoise sur la scène internationale. Les artistes béninois qui affirment qu’ils n’ont pas besoin d’une formation dans une école de musique pour exercer le métier me donnent entièrement raison, en ce sens que s’ils vont toujours fonctionner ainsi, je continuerai à dire que la musique béninoise est dans l’amateurisme et l’improvisation. Il faut reconnaitre que les arrangements de beaucoup de morceaux sont mal faits par manque de compétences. Or, il existe quand même de grands arrangeurs dans le pays comme Nel Oliver et autres par exemple. Je visualise les clips de certains artistes, je vous avoue que la qualité des images est inacceptable. Les images manquent de soins pour rivaliser avec les artistes à l’extérieur.
Selon vous, que faudrait-il faire alors ?
Le président de la République Patrice Talon réalise depuis son arrivée beaucoup d’infrastructures dans les domaines de la culture et du tourisme. Nos artistes ne se posent pas la question de savoir le rôle que doit jouer la musique dans la promotion de ces infrastructures. Les touristes ne viendront pas seulement visiter les monuments, les musées, et les paysages touristiques du Bénin et repartir chez eux. Les touristes cherchent d’abord à savoir s’il se déroule des événements artistiques et culturels comme les festivals, les rencontres artistiques et culturelles etc. parce qu’ils veulent se défouler après les visites. Aujourd’hui, nous ne disposons plus de festivals de musique de grande envergure digne de ce nom. Le chef de l’Etat ne peut pas tout faire seul avec son gouvernement. Il lui faut un accompagnement pour réussir sa mission. Je suggérerais aux associations des artistes et musiciens de rencontrer le chef de l’Etat et de lui remettre en mains propres un projet de création d’une école de musique au Bénin. Boncana Maïga a fait de l’Institut national des Beaux-Arts d’Abidjan une école de référence en matière de formation musicale en Afrique. De la même manière, il existe des compétences au Bénin capables de gérer cette école. Ensuite, je rappelle que le président Patrice Talon est un passionné de la musique salsa. Je souhaiterais que les associations des artistes et musiciens lui soumettent un projet de création d’un festival international annuel de la musique salsa et qu’il soit mis en place par une loi votée à l’assemblée nationale. Ce sera une première initiative de cette nature sur le continent africain. Ainsi, tous les salseros d’Afrique, des Caraïbes et de l’Amérique latine se précipiteront chaque année au Bénin pour faire danser l’Afrique. Les Sénégalais sont en train de ressusciter la musique afro-cubaine. Les Congolais reviennent de plus en plus sur la scène avec la musique salsa. Mais si nous ne savons pas faire, ces pays nous voleront la vedette en initiant ce festival. Un autre projet portera sur la création du festival international des musiques ancestrales pour faire la promotion des musiques traditionnelles africaines et autres qui ont du mal à s’éclore. De même, il faut que le festival de Jazz revienne sur scène au Bénin. Je pense que les associations des artistes et des musiciens peuvent aussi demander au chef de l’Etat d’inscrire dans la loi de finance de l’Etat à partir de 2024 des lignes dans les budgets de tous les ministères qui seront consacrées à l’organisation tous les mois des concerts thématiques. Nous avons plusieurs journées internationales auxquelles le Bénin est associé, mais elles passent de façon inaperçue sans aucune véritable organisation autour. C’est le cas des journées internationales des personnes âgées, des personnes handicapées, de liberté de presse, des droits de l’homme, de l’arbre, de l’océan, des zones humides, des musées etc. Les préfectures, les mairies, les institutions de l’Etat comme la HAAC, la cour constitutionnelle, la cour suprême, la haute cour de justice, le conseil économique et social ainsi que les sociétés et entreprises d’Etat doivent régulièrement organiser des manifestations musicales dans le pays. Je ne voudrais pas occulter la construction d’un Théâtre national pour assurer la promotion et la diffusion des créations artistiques comme la musique. Il faut penser au droit d’auteur. Le système de collecte des redevances n’est pas efficace. Les artistes béninois en souffrent énormément.
Quel doit être le rôle des médias dans ces projets que vous citez ?
J’ai le devoir de dire que le secteur de la musique ne peut se développer sans s’appuyer sur la force des médias et de la communication. Ainsi, il urge de créer une télévision satellitaire musicale pour la promotion de l’art musical avec des programmes alléchants. Il faut aussi créer des magazines à la fois physiques et en ligne consacrés à la musique. Le gouvernement peut transformer la télévision BB24 en une chaine musicale. Nous devons apprendre à connaitre le pouvoir et le rôle des médias dans un pays en développement. Vous savez, en 2016, mon ami Toussaint Djaho alias Sergent Markus m’avait sollicité pour contribuer en tant que consultant à l’animation de l’émission ‘’Sacrée Journée’’ sur E-Télé. Je ne connaissais pas cette chaine de télévision comme la plupart des Béninois. Ainsi, nous avions ensemble défini une coquette stratégie pour épater les téléspectateurs et montrer au public comment on fait la télé. L’émission en très peu de temps battait tous les records d’audience tous les soirs. Nous avions sorti E-Télé de l’ombre. Un samedi d’un week end à cette époque, je faisais les courses dans les rues de Lomé. J’avais vu une femme ronde descendre de sa grosse voiture 4X4. Du coup, elle se mettait à crier mon nom avec hystérie comme si elle venait de rencontrer l’homme de sa vie. Elle m’a pris dans ses bras et m’a serré contre sa forte poitrine. J’avais pris peur parce que je ne comprenais rien de son geste dans la rue. Elle m’a expliqué que c’est grâce à l’émission ‘’Sacrée Journée’’ que son mari revenait vite à la maison et ils avaient l’occasion de dialoguer tous les soirs et l’harmonie était revenue dans le couple. Un autre fait que je voudrais raconter est qu’un jour, j’étais allé à une conférence à l’étranger. Un participant gabonais me demandait pourquoi l’émission ‘’Sacrée Journée’’ avait disparu sur la chaine. Je lui disais que je ne connaissais pas la raison. Il avait ma réponse comme un manque de respect à sa personne et s’en était pris vivement à moi. Bien avant et lorsque je travaillais pour une structure des Nations-Unies dénommée IRIN Radio, nous avions utilisé la force des radios et des télévisions pour opérer un véritable changement de comportements au niveau des millions de personnes sur le Corridor Abidjan Lagos. La musique avait joué un très grand rôle dans cette opération. Mon ancien patron Yoro Sangaré, un Ivoirien, n’a jamais cessé de me parler de cet exploit réalisé. Aujourd’hui, je ne connais plus les émissions favorites des spectateurs béninois. Tout le monde préfère les chaines étrangères. C’est pour vous dire qu’avec les médias et les actions de communication, la musique béninoise peut rebondir sur la scène internationale. C’est une question de technique et de stratégie à mettre en place.
Pensez-vous que ces initiatives sont réalisables au Bénin ?
Il faut d’abord avoir la foi que c’est réalisable. Mais si les artistes pensent que rien ne peut se faire pour développer leurs carrières, alors ils peuvent rester à ne rien faire. S’ils croient que les choses sont faciles et que Dieu descendra du ciel pour leur offrir le bonheur, alors ils se trompent éperdument. Je voudrais qu’ils comprennent que la musique est un métier comme être un médecin, un avocat, un ingénieur ou un architecte dans lequel on gagne de l’argent. Si nous réussissons à concrétiser ces idées, nous assisterons à un bouillonnement musical dans le pays. Chaque acteur gagnera tous les jours de l’argent pour vivre décemment afin d’être à l’abri des besoins. Les artistes béninois auront la facilité de s’afficher sur la scène internationale. Les majors compagnies et les bonnes volontés débarqueront pour investir dans le secteur musical. Personne ne met son argent dans un milieu désordonné ou inorganisé. Les grandes villes africaines connaissent une effervescence musicale tous les jours de la semaine sans répit tandis que les villes du Bénin sommeillent toujours. Comment se fait-il que beaucoup d’artistes nigérians, kenyans, ougandais, tanzaniens, ivoiriens, sud-africains, cap-verdiens, sénégalais etc. gagnent beaucoup d’argent dans la musique jusqu’à disposer de Jets privés pour certains et que chez nous, les artistes n’arrivent pas à s’en sortir convenablement. C’est paradoxal. Le jeune musicien tanzanien Diamond Platnumz se déplace à travers le monde avec son Jet privé. Il possède de grandes entreprises dans le showbiz, l’intelligence artificielle et le commerce grâce à la musique. Au Nigeria, les artistes Davido, Kiss Daniel, Wizkid, Tiwa Savage, Yemi Alade, Simi, Kimi, Burna Boy etc. sont devenus du coup des superstars dont les comptes bancaires sont remplis de millions de dollars. Cela doit nous faire réfléchir au Bénin.
Qu’est-ce que vous avez à compléter avant la fin de cet entretien ?
Je voudrais faire comprendre à tout le monde que la musique génère aujourd’hui beaucoup d’argent. Mais pour y arriver, il faut absolument la formation des acteurs, la structuration et l’organisation du secteur. Lorsque les artistes béninois seront toujours dans le statu quo, je ne manquerai pas de parler de l’amateurisme et de l’improvisation de la musique béninoise. Je donne encore l’occasion à tous ceux qui ne veulent pas ouvrir les yeux de me critiquer et même de m’insulter comme bon leur semble. Ils mourront de faim et de soif comme c’est le cas aujourd’hui.
Propos recueillis par Jacques Bossou