Le décret d’interdiction des emballages plastiques autour des fruits et légumes risque d’être annulé par le Conseil d’Etat. Une absurdité, dénoncent les ONG, mais les industriels rétorquent qu’ils ne peuvent pas faire autrement. Les ONG craignent que beaucoup de produits soient exemptés de l’interdiction.
La décision du Conseil d’Etat est attendue dans les prochains jours. Mais, dans son avis, la rapporteuse publique demande bien l’annulation du décret qui interdit depuis le 1er janvier 2022 une partie des emballages plastiques autour des fruits et des légumes. Le calendrier mis en place par le gouvernement est mis en cause : la loi parlait d’une liste de produits exemptés mais pas de limites temporelles. Or, le texte actuel prévoit des interdictions progressives. Pour beaucoup de produits, la date limite était le 1er janvier mais pour d’autres, c’est plus tard. Le 30 juin 2023 pour les tomates cerise par exemple ou fin 2024 pour les salades et les herbes aromatiques. Cela va même jusque 2026 pour les fruits fragiles, par exemple les framboises ou les fraises.
Les ONG ne se font pas d’illusion : « on est pratiquement sûr que le décret va être annulé », soupire Diane Beaumenay-Joannet, chargée de mission pour l’ONG Surfrider. Pourtant, la mesure d’interdiction « parle à tous les consommateurs et représente un milliard d’emballages par an » selon elle. Elle assure que l’attente ne permettra pas de réduire les déchets plastiques. Si l’annulation est confirmée, un nouveau décret devra être écrit. Et s’il n’y a plus d’interdiction progressive, les délais pour les industriels disparaîtront. Ainsi, les ONG, comme Zero Waste France représentée par Moïra Tourneur, craignent la création d’une « trop longue liste d’exemptions, illimitée dans le temps ».
Les industriels se réjouissent d’avoir plus de temps pour concevoir des emballages alternatifs
Du côté des industriels de la filière, on se félicite de l’avis de la rapporteuse publique. Ils dénonçaient l’absence de concertations, les délais trop courts et une loi française différente d’autres pays européens. Laurent Grandin, président d’Interfel, l’interprofession des fruits et légumes frais, remarque qu’une directive européenne est en cours de négociation. « Certains pays veulent du plastique, du carton ou de la cellulose… On est dans un marché unique, on doit faire quelque chose d’homogène et ne pas fractionner les propositions », revendique-t-il. Certains industriels ont développé des alternatives, comme le vrac ou les emballages en carton. Mais ces solutions ne sont pour l’instant disponibles que pour les filières les plus importantes, qui peuvent investir, assure Laurent Grandin.
Pour les autres, qui produisent de manière saisonnière et n’ont pas les capacités d’« investir des centaines de milliers d’euros en 2 à 3 mois », l’industriel affirme qu’il n’y a pas de solutions immédiates. C’est par exemple le cas de la cerise et de l’abricot selon lui : « pourquoi pas le carton, mais ce n’est pas compatible avec le produit et le consommateur ne peut pas voir le produit acheté ». Interfel demande à la France d’attendre la rédaction du règlement européen. Et un délai à 2030 pour acter la fin des plastiques autour des fruits et légumes. « Trop tard », répondent les ONG, qui rappellent que la France s’est fixé l’objectif de réduire de 20% les plastiques à usage unique en 2030.
Baptiste Gaborit