Sacromi, c’est son nom fort. De qui le tient-il ? Dans quelles circonstances, il lui fut attribué ? Inutile de chercher à répondre à ses interrogations. Ce qu’on retient de lui, c’est le service qu’il rend aux petites gens, c’est-à-dire, les individus évoluant dans un environnement socio professionnel modeste, aux revenus moyens ou faibles. Il n’est pas l’ami de ceux qui sont nés une cuillère en or entre les dents.
En un mot, le pain coche toutes les cases de la pauvreté et de la misère. Pour ceux que la vie a inscrit dans ces catégories, la journée ne démarre jamais sans le pain, à moins qu’il n’y ait pas une boulangerie dans le coin. Et chacun le consomme comme il peut. Il y en a qui sont au pain sec (c’est un langage militaire). Cela sous-entend que la mastication ne peut se faire qu’avec les sucres gastriques. Sacromi devient intéressant avec la friture ou en présence de l’avocat. L’un dans l’autre, il n’offre pas un repas complet et sert tout simplement à tromper la faim. A partir de là, tous ceux qui le consomment surveillent attentivement son prix et son poids. Dans les années 94 ou 95, des plaintes sont arrivées à la rédaction de la Radio Nationale (Ortb) au sujet du prix du pain et de son poids. Et j’ai été instruit pour une interview au directeur du commerce intérieur de l’époque. Après m’avoir fait poireauter des heures dans sa salle d’attente, il m’a dit ceci, quand il lui a plu de me parler : « Donc, c’est le pain, le problème urgent de ce pays maintenant ? Je n’ai aucune interview à donner », fin de citation. Il l’a regretté après. Il était à table et la fourchette s’était échappée de sa main, m’a t-il confié, lorsqu’il a suivi à 13h15 mon commentaire dans l’édition du journal parlé de ce jour-là. Et il lâche dépité : « Vous les journalistes, vous êtes méchants ». Lui qui ne voulait pas parler au début, a dû faire plusieurs va-et-vient avant de se voir accorder une interview.
Donc le prix du pain et de son poids ont toujours fait l’objet d’une surveillance particulière de la part du consommateur et qui alerte à chaque occasion. Malheureusement, le Bénin ne produit pas le blé, diront certains. Ce n’est pas grave. La Suisse n’a pas une plante de cacaoyer et pourtant championne en production de chocolat. Pour acheter nos matières premières, ce sont les pays développés qui en fixent le prix et nous vendent leurs produits à leurs prix. La farine de blé, dans ces conditions est à la merci du marché. Des expériences pour une utilisation de la farine de manioc pour minimiser l’utilisation de la farine de blé au Bénin ne sont pas allées bien loin. Il faut alors comprendre la peur qui a traversé le pays ces derniers jours au sujet du prix du pain. Plus cher, certains seront écartés de sa consommation. Mais cette rumeur a fait chou blanc. Le prix flotte en fonction de chaque boulangerie et la marge bénéficiaire de la vendeuse. C’est tout simplement le vent de la cherté des denrées alimentaires qui a soufflé sur le pain. C’est ainsi dans chaque pays. Il y a toujours des produits qui sont comme des fétiches. Pas possible de s’amuser avec leurs prix, le riz par exemple au Sénégal. Chaque gouvernement doit mettre en place un mécanisme de surveillance de certains prix et des mesures compensatoires s’il veut avoir la paix. C’est ce que je crois.
Didier Hubert MADAFIME